Comment photographier une sculpture sans la dénaturer ?
Dans l’ouvrage collectif La mémoires à l’œuvre, Stéphanie Cantarutti nous fait découvrir la façon dont Emile-Antoine Bourdelle a cherché à résoudre cette problématique tout au long de sa vie.
Dès 1898, il acquiert un appareil photographique. En effet, face au succès qui va grandissant, il doit répondre aux demandes en images venant de la presse. Il choisit d’abord d’opérer seul, puis, il fait appel à des photographes amateurs de son entourage. Mais confronté à de nombreux problèmes – qualité, rapidité, disponibilité des photographes – Bourdelle va finalement se tourner vers le galeriste et photographe Eugène Druet qu’il a croisé chez Rodin. Ils signent ensemble un contrat en 1912 : Druet est chargé de photographier l’ensemble des sculptures et bas-reliefs du théâtre des Champs-Elysées. Bien que leur collaboration se prolonge au-delà de cet accord, le décès brutal de Druet en 1916 va obliger Bourdelle à chercher d’autres solutions.
En 1921, époque où son passage à la postérité le préoccupe de plus en plus, le sculpteur décide de créer son propre atelier photographique au 16 impasse du Maine (aujourd’hui : 18 rue Antoine Bourdelle). L’objectif qu’il poursuit de longue date est de photographier l’ensemble de son œuvre, dessins et pastels compris. Les prises de vues sont effectuées avec l’aide d’autres personnes, qu’il a probablement recruté parmi ses praticiens. Ces derniers offrent l’avantage d’être habitués à la manipulation des sculptures.
Dans les années 1920, « l’atelier Bourdelle » s’équipe d’un laboratoire de développement. À partir de ce moment, il lui est possible non seulement de réaliser des clichés sur verre, mais également des tirages sur papier. À l’occasion d’un numéro spécial qui doit lui être consacré, Bourdelle écrit plusieurs fois à Armand Dayot, critique d’art et directeur de la revue L’art et les artistes : « Je fais pour vous toutes les photos. À deux ou trois réussies pour dix clichés parfois. » « Voilà deux mois que nous faisons de la photo – jours courts – manque de lumière – difficultés – certaines sculptures absentes qu’on m’apporte à mes ateliers. » « La grande vérité […] est que je n’aime pas en général les photos qu’on me fait et que je fais moi-même les clichés pour les livres en préparation. »
Source : La mémoires à l’œuvre, les archives Antoine Bourdelle. Paris Musées, musée Bourdelle / INHA / Éditions des Cendres, 2009
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